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de l’esprit

en foule, toutes très-propres à ocuper les petites Maiſons de Cythere. Il n’y a rien-là d’étonnant : en general, il n’y a point de perſonnes d’une complexion plus amoureuſe, que les Dévots viſionnaires de l’un & de l’autre Sexe. Le Zêle emprunte ſa chaleur bien ſouvent de la même cauſe, que l’Amour ; &, de la Tendreſſe fraternelle, à la Galanterie il n’y a que la main. Il eſt certain même, que rien ne reſſemble mieux à la conduite des Spiritualiſés, que le procedé des Amans. Le commencement de la Galanterie confiſte d’ordinaire dans une maniere devote de tourner les yeux ; le ton des amants eſt un eſpece de chant plantif entrecoupé, par intervalles bien compaſſez, de ſoupirs & de gemiſſemens. Leur Stile eſt un Galimatias éloquent, un tas de paroles confuſes, & très-ſujettes à la repetition. Ce ſont-là certainement les manieres les plus propres à gagner les cœurs des Femmes ; & tout le monde conviendra je croi, que les Béats les ſavent emploïer avec plus de dexterité, que les Galans les plus ſtilez à conter fleurettes au beau Sexe.