Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/130

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libre, c’est-à-dire un esprit ou intelligence libre ou dégagé de tous préjugés au sujet de Dieu, de la religion et d’un autre monde, cela m’explique parfaitement pourquoi les poètes de notre époque sont et se croient obligés d’être libres penseurs.

Mais quoique je ne puisse m’appuyer, pour recommander la religion, sur la pratique de quelques-uns de nos plus éminents poètes anglais, je n’en suis pas moins en droit de vous conseiller, d’après leur exemple, d’être versé dans les Écritures et de les posséder tout à fait, s’il est possible : en cela je ne pense à rien moins qu’à vous imposer un devoir de piété. Loin de moi l’idée de vous engager à y croire ou de faire grand cas de leur autorité : là-dessus, vous pouvez faire ce que vous jugerez convenable ; mais je vous engage à les lire comme une chose nécessaire pour meubler la tête d’un bel esprit et d’un poète, ce qui est un tout autre point de vue que celui d’un chrétien ; car j’ai fait la remarque que les beaux esprits par excellence ont été les meilleurs textuaires : nos poètes modernes sont tous, jusqu’au dernier, presque aussi versés dans les Écritures que quelques-uns de nos théologiens, et souvent abondent plus en citations. Ils les ont lues en historiens, en critiques, en musiciens, en comiques, en poètes, et de toute autre manière, excepté en hommes religieux, et ont trouvé leur compte à le faire ; car les Écritures sont indubitablement une source d’esprit et une matière à esprit. Vous pouvez donc, conformément à la pratique mo-