Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/178

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principalement les uns les autres, ils réduisent tout le système du savoir-vivre aux formes en usage dans leurs divers offices ; et comme ils sont au-dessous de l’attention des ministres, ils vivent et meurent à la cour sous toutes les révolutions, avec une grande obséquiosité pour ceux qui jouissent du moindre crédit ou faveur, et avec grossièreté et insolence pour tous les autres. D’où j’ai conclu depuis longtemps que les bonnes manières ne sont pas une plante indigène à la cour ; car si cela était, les gens dont l’intelligence est au niveau de ces sortes de talents, et dont ce fut si longtemps l’unique apprentissage, seraient parvenus à les acquérir. Et, pour ce qui est des grands officiers, attachés à la personne ou aux conseils du prince, ou préposés à la surveillance de sa maison, ce sont des oiseaux de passage, qui n’ont pas plus de titres aux bonnes manières que leurs voisins, et qui probablement n’auront pas recours à messieurs les huissiers pour se faire instruire. De sorte que je vois peu de chose à apprendre à la cour en ce genre, excepté sur l’important chapitre de la toilette, dans lequel l’autorité des filles d’honneur, il faut vraiment le reconnaître, égale presque celle d’une actrice en faveur.

Je me rappelle un fait que m’a conté mylord Bolingbroke, qu’allant recevoir le prince Eugène de Savoie à son débarquement, afin de le conduire immédiatement à la reine, le prince exprima de vifs regrets d’être privé de voir Sa Majesté le soir même, attendu que M. Hoffman (qui était là) avait assuré à