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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/131

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ANCIENNE POLITIQUE DE LA RUSSIE. 127

dirigeant, dont il se fit le président. Il s’empara ainsi de la domination complète de l’Ëgiise, tant dans le fond que dans la forme.

Par toutes ces innovations, la force du gouvernement s’accrut sans que son essence s’altérât en quoi que ce fùt. Le caractère oriental qui lui était propre, c’est-à-dire l’absence absolue de droit légal à l’intérieur et le besoin de guerre et de conquêtes à l’extérieur, resta le même. Enfin, le despotisme atteignit ses dernières limites par l’ukase de f722, lequel conférait à l’empereur régnant le droit de choisir lui-même son successeur, sans avoir égard aux liens du sang. Ceci rappelait les adoptions faites par les anciens empereurs romains, et, en effet, des partisans fervents du gouvernement russe ont fait valoir que c’était de cette façon que Trajan et les Antonins étaient arrivés au pouvoir. Mais le titre et les attributions de souverain des consciences que possédait le Czar, et qui lui donnaient une force bien supérieure à celle des empereurs romains, rappelaient mieux encore l’Orient, où, pendant longtemps, les successeurs des califes chefs de la religion furent désignés sans qu’on prît en considération aucun degré de parenté. Pierre P" plaça la loi de succession au trône sous la sauvegarde de l’État aussi bien que de l’Église, et menaça toute violation de cette loi non-seulement de la mort, mais encore de la damnation éternelle.

Mais l’excès du pouvoir nuit à toutes les causes cette monarchie nouvellement élevée l’éprouva bientôt. Tout sentiment de justice disparut de l’empire russe, comme il avait disparu sous les empereurs romains et sous les califes. Jusque-là, les sujets n’avaient possédé aucun droit vis-à-vis de leur souverain, lequel résumait tous les droits en lui-même; dorénavant, l’arbitraire présida également à la succession au trône, qui devint le jouet des caprices de l’empereur, des cabales de la cour, et enfin des violences de la soldatesque. Pierre 1°’’ avait rendu cet ukase après l’exécution à mort de son fils aîné, afin d’assurer le trône après lui à la paysanne finlandaise qu’il avait élevée au rang de son épouse, au détriment du second de ses fils. Après lui, aucun changement de souverain n’eut lieu sans révolution. Les descendants de Pierre I" et ceux de son frère Ivan s’entretuèrent; c’est surtout à cette époque que peut, s’appliquer ce mot effroya-