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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/319

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CHUTE DE LA GIRONDE. 315

pas cette conduite mais il était trop mou pour entraîner ses violents amis à son opinion, et, après quelques pourparlers, oh se sépara sans avoir rien conclu. Danton en fut profondément affecté. Il envoya encore plusieurs messages secrets a ses adversaires !e 10 mai, il vota même ouvertement avec eux à la Convention, au sujet d’une des questions les plus importantes de la constitution future (le gouvernement doit-il être nommé par le peuple ou par le Corps législatif?) mais ce fut eh vain. « Vingt fois, disait-il quelques mois plus tard à uri ami, avec l’accent du désespoir, vingt fois je leur ai offert la paix, et toujours ils l’ont refusée afin de pouvoir me perdre. Ce sont eux seuls qui nous ont soumis à la souveraineté de la populace, à cette souveraineté qui les a dévorés et qui nous dévorera tous (J). »

En effet, la souveraineté du bas peuple, qui les a tous conduits à l’échafaud, aurait peut-être été conjurée par l’alliance que proposait Danton. Cependant ce dernier était injuste quand il attribuait le refus des Girondins uniquement à la haine contre sa personne. Leur situation leur dicta ce refus plus encore que leurs convictions. Pour eux qui venaient de se mettre à la tête de l’opposition de la bourgeoisie, qui combattaient sous la bannière de l’ordre et de la propriété, qui cherchaient une force nouvelle dans l’appui des classes moyennes, une alliance avec Danton, le chef des septembriseurs, l’auteur des dernières violences qui s’étaient produites à Paris, était Impossible à tous égards. La cause de l’ordre, qu’ils avaient embrassée, leur interdisait donc la seule chance de salut qui existdt pour eux, et le plus sévère châtiment de leurs crimes fut que leur retour à la justice consomma leur ruine. Une consolation au moins leur était accordée s’ils succombaient dans la lutte, ce devait être avec une conscience purifiée; mais que dirons-nous de la situation de Danton? Il éprouvait de nouveau que pour lui il n’était ni oubli ni pardon. Il méprisait ses complices, il reniait ses actes passés, il aurait voulu en détruire les effets, et cependant il était irrévocablement enchaîné à la ligne de conduite qu’il avait suivie jusque-la, car le triomphe de la bonne cause devait le livrer au (1)G< Enchéris, 451.