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~92 RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

demanda la prorogation de la Convention (1). On parla ensuite d’une levée en masse de la nation, des aristocrates d’abord, puis des sans-culottes, et clubistes et commissaires étaient si bien travaillés d’avance-que, malgré Robespierre qui représenta que cette mesure témoignerait de plus d’enthousiasme que de réflexion, il fut décidé avec des cris de joie que la motion serait présentée le 12 à la Convention. La perspective qui s’ouvrait par là aux démagogues était en effet brillante et inespérée. Le départ de tous les Français valides quel trouble dans le pays, quels prétextes de violences contre les récalcitrants, quelles sources de richesse pour les patriotes n’en seraient pas résulté A l’heure dite; les Jacobins forment un cortège solennel et paraissent à la Convention, ayant à leur tête un des commissaires chargé de porter la parole. « Il est temps, dit celui-ci, de mettre fin aux menées des ennemis de la liberté et de sauver le pays par une mesure énergique. Il faut que la nation se lève en masse, qu’elle saisisse les suspects, et que, gardant leurs familles comme otages, elle les envoie à la frontière et les force à combattre l’étranger en faisant marcher derrière eux les bandes formidables des sans-culottes. »

La Convention applaudit, comme elle le faisait toujours aux discours furieux des soi-disant amis du peuple mais quant à la motion, elle fut rejctéc à l’unanimité, surtout par les membres du gouvernement, qui comprenaient mieux que personne tout ce que ce projet insensé offrait de dangers pour la guerre ellemême (2). Danton essaya, par une approbation apparente, de calmer l’effervescence et de l’empêcher de dégénérer en actes de violence. a Certainement, s’écria-t-il, il faut que la nation se lève en masse, mais il faut aussi qu’elle se lève avec ordre. Les huit mille commissaires du peuple français vous en offrent le moyen tous vous jureront que chacun d’eux, de retour dans sa (1) I[ était par là en opposition avec Lacroix, l’ami de Danton, qui, le matin même, en vue des prochaines élections, avait obtenu de la Convention un décret ordonnant un recensement de ta population; mais la position des Dantonistes autorise à penser que ceci n’était pas sérieux. En tous cas, des mois devaient s’écouler avant que le recensement put être terminé.

(2) Carnnt écrivait le 30 juillet au Comité, au sujet d’un projet qui consistait à envoyer toute la population sur la frontière du Nord, que ce projet était inexécutable ou amènerait une défaite semblable à cettes de Crécy et d’Azincourt.