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M4 4 RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

tique, sur le but de la guerre; sur le culte du Dieu éternel, dont les Hébertistes n’avaient pu arracher l’image du cœur du peuple. C’étaient les principaux points de l’ancien système de Robespierre, auquel celui-ci ramenait habilement le Comité. Il pouvait désormais se considérer avec raison comme le maître de l’avenir et le chef absolu du gouvernement français.

Mais, malgré ce triomphe, on ne remarquait point chez lui la joie que cause la victoire. Robespierre semblait ne se sentir le réel possesseur du pouvoir que pour comprendre en même temps qu’il était le premier objet de la haine nationale aussi s’entourait-il de toutes les précautions imaginables pour conserver ses jours. Depuis longtemps déjà, il faisait coucher au rez-de-chaussée de sa maison un certain nombre d’hommes forts et dévoués, qui, armés de bâtons, l’accompagnaient dans toutes ses sorties dorénavant, on observa qu’à ses repas il avait toujours deux pistolets auprès de son assiette, et ne mangeait d’aucun mets avant que d’autres n’y eussent goûté. Il savait qu’une haine profonde divisait entre eux les membres du pouvoir; il comprenait que chacun d’eux voyait dans la vie de ses collègues un danger pour lui-même il savait encore que tous étaient en horreur au peuple français, que chaque nouvelle exécution, si elle les délivrait d’un adversaire, diminuait en même temps le nombre de leurs amis, et que le pays tout entier aspirait à l’heure de la délivrance. A Paris, le nombre des prisonniers s’était élevé dans l’espace de quatre semaines de cinq mille à six mille neuf cents, ce qui n’empêchait pas’que toutes les assemblées des sections fussent ’encore surveillées par l’œil soupçonneux de la police. La bourgeoisie, vaincue dans la lutte ouverte, privée de tout moyen de résistance, menacée chaque jour dans sa vie et sa fortune, .opposait sans cesse et partout au gouvernement la seule arme qui lui restât, une résistance muette encore, mais menaçante. Cependant le printemps approchait, et les opérations de guerre allaient être reprises. En supposant même que des lauriers cueillis sur les champs de bataille dussent dédommager la nation de toutes ses souffrances, la guerre ne présentait au gouvernement que les plus sombres perspectives. Robespierre, dont les soucis avaient rendu le regard plus pénétrant, comprenait que, si les généraux triomphaient dans la prochaine campagne, si les chefs de ces