Sur le sable fin d’une baie tranquille, la barque lasse s’arrête.
Alors, comprenant que, de haute lutte, il faudra disputer ce sol à la forêt insatiable, l’homme saute sur la rive, crispe ses deux mains sur la cognée, et à grands coups qui montent en résonnant le long du tronc énorme, il abat un gros pin qui tombe en fracassant ses branches. Puis, prenant dans la barque la charrue endormie, sur la première souche il appuie le premier soc, enlève son bonnet trempé de sueur chaude, et, défiant la forêt, la regarde les bras croisés !
Longtemps la forêt résiste. Mais sous les haches qui se lèvent, qui s’abaissent, sans pitié, sans répit, peu à peu elle recule.
Pour échapper enfin aux morsures incessantes des prés qui la rongent, fuyant la vallée hérissée de souches grises, lugubres stèles funéraires, elle s’est réfugiée là-bas sur les montagnes arides, qui dressent leurs pierres ainsi qu’une barricade.
Petits-fils de ceux-là qui taillèrent à même les grands bois nos plaines et nos campagnes, ayant fait la trêve et regrettant les pins et les sapins touffus, nous replantons, sur la terre trop nue, les arbres qu’autrefois nos pères avaient coupés.