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LE BON SILENCE

Le vent, libre d’entraves, effleure la surface limpide comme une hirondelle en plein vol humectant ses ailes. D’un premier regard, l’œil fait à la course une exploration rapide ; quelquefois une bande de canards s’envoleront apeurés, un huard silencieux se glissera en quelques coups de pattes jusqu’à l’autre bout du lac, une grenouille sur une motte s’éveillera pour plonger, mais le plus souvent, comme aujourd’hui, vous ne verrez ni n’entendrez rien.

À trois pas à gauche, on a coupé les broussailles. Étendons-nous ici, la tête appuyée sur une racine de sapin, et savourons ces courts instants où le jour dans toute sa plénitude fait la sieste un moment avant de décliner.

Les montagnes qui l’encerclent font de notre lac une arène étrange dont les arbres occupent les gradins. Toutes les places sont occupées.

Aux premières rangées, des sapins, des cèdres, plus verts que les autres, inclinant la tête, contemplent coquettement dans l’onde leur image adoucie. Quelques-uns, pris de vertige sans doute, ou bien fascinés par la déesse perfide qui habite ces eaux, sont tombés tout de long en étendant les bras, com-