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LA RIVIÈRE DES EAUX-MORTES

dans la montagne. L’ombre hésitante envahissait les bois, les ailes se fermaient, les chants se taisaient.

Petit à petit, la multitude des êtres timides qui s’éveillent quand le jour s’endort, décelaient leur présence par des crissements de branches et le bruit étouffé de trottinements menus.

o-o-o

J’ai revu hélas ! ma rivière d’autrefois…

La vallée est inondée ; les eaux, égarées dans les taillis déserts, cherchent en vain les rives de jadis et le chemin fleuri.

Les buissons sont sans feuilles. Au loin, surgissant des flots boueux, les troncs dénudés étendent des bras raidis qui semblent supplier.

Ce n’est plus une rivière et ce n’est pas un lac ; c’est une chose informe, une vallée coupable que Dieu aurait maudit.

Par bonheur, quelques coins protégés, le long des collines, et la belle chute solitaire qui gronde toujours là-bas en sautant les rochers, gardent encore un peu de leur beauté première.