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Page:Töpffer - Voyages et aventures du docteur Festus, 1840.djvu/174

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Il cheminait pensif et tout en proie à une mélancolie sombre, songeant à tant de maux qu’il avait éprouvés, et dont le pire était, pour lui, Maire, de se trouver sans un seul administré. Il essaya bien de dresser quelques procès-verbaux fictifs, à l’occasion des objets qu’il rencontrait, en particulier lorsqu’il repassa à l’endroit où gisait Pierre Lantara ; mais dans l’état d’annihilation où il se trouvait réduit ses idées ne venaient pas, et il n’y goûtait aucun charme. Il ne se sentait plus cette abondance de considérans, ce luxe d’articles de lois, ce parfum de légalité qui s’exhalait jadis de toutes ses pensées, de tous ses mouvemens, et pour ainsi dire de sa transpiration même ; en sorte qu’affaissé sous le poids de sa douleur, il lui venait à l’esprit des projets sinistres.

Un moment, il tomba moralement si bas, qu’ayant ramassé le poignard de Lantara, il le leva sur son sein, ayant soin de bien ouvrir sa chemise, tant il était résolu de mourir. Puis tout-à-coup il se ressouvint par habitude qu’il se devait à ses administrés ; en sorte qu’il baissa de nouveau le poignard, jusqu’à ce que s’étant souvenu aussi que désormais il n’avait plus d’administrés, il le leva de nouveau bien déterminé à périr.

Au moment de se frapper, le Maire jeta un regard autour de lui, et n’apercevant personne qui