Page:Töpffer - Voyages et aventures du docteur Festus, 1840.djvu/58

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vait, une velléité poétique se vint loger comme une mouche bovine dans un recoin de son cerveau. Il jugea opportun d’ouvrir son grand voyage d’instruction par un à propos versifié, et, tout en attendant l’aurore pendant treize heures d’horloge, il fit le quatrain suivant :

Sur un mulet courir la terre,
Courir la terre sur un mulet ;
Et du mulet sauter à terre,
Et remonter sur son mulet…

Le docteur fut très-content de ce quatrain. En effet, y appliquant toutes les règles des meilleurs traités connus de versification, il le trouvait avec raison sans défaut ; la rime riche, la mesure exacte, le sens clair et complet, et l’expression poétique ; car il se rappelait que le mot mulet est employé par Homère dans le premier chant de l’Iliade, vers 48. Aussi, après l’avoir composé de verve en français, il le traduisit dans les vingt et une autres langues, éprouvant le sentiment délicieux que personne autre que lui, dans le monde, n’était en état de faire un pareil travail, depuis la mort de Pic de la Mirandole.