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Page:Töpffer - Voyages et aventures du docteur Festus, 1840.djvu/82

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l’almanach promettait de l’humide ; après quoi, il lui proposa de les acheter, n’en ayant que faire, mais pour lui rendre service et les empêcher de pourrir, ajoutant qu’on lui en offrait de plus beaux et mieux à point, mais qu’on n’était pas frères pour rien. George Luçon, qui avait le vin généreux, se leva chancelant, et lui prit la main, disant : Tu es un beau parleur, André, c’est égal ; tout de même je te les baille pour six écus le pied de chêne… Sur quoi ils firent pache, et burent jusqu’au soir.

Le lendemain, André Luçon se leva dès l’aube, attela ses bêtes, et vint au bois avec ses deux apprentis, scieurs de long ; puis, ayant choisi un pied de chêne de cinq brassées de tour, ils le scièrent par le bas jusqu’à ce que le roi des forêts s’ébranlât lentement dans les airs et s’inclinât contre terre. Tel un noble éléphant à qui de lâches chasseurs ont coupé les jarrets, tombe sans se plaindre et sans disputer sa vie. Trois mille oiseaux qui nichaient dans ses branchages périrent ou s’envolèrent loin de leur chère couvée, et ce paisible lieu, qu’il abritait depuis trois siècles, présenta le triste aspect d’une clairière désolée.

Les scieurs de long ne firent pas ces réflexions, ni le sieur Taillandier, qui, dans ce moment toisait son fenil, se moquant des nichées. Ils coupèrent les rameaux pour en faire des fagots, ils coupèrent