Page:T. Corneille - Médée, Schelte, 1695.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

A-t-elle assez de ma rivale ?
Non, s’il ose garder ses sentiments ingrats,
Si toujours il perd la mémoire
De ce que j’ai fait pour sa gloire,
Il aime ses enfants, ne les épargnons pas.
Ne les épargnons pas ! Ah, trop barbare mère !
Quel crime ont-il commis pour leur percer le sein ?
Nature, tu parles en vain,
Leur crime est assez grand d’avoir Jason pour Père.
Quel désespoir m’aveugle & m’emporte contre eux ?
Leur âge permet-il cet affreux parricide,
Et sont-ils criminels pour être malheureux ?
Quoy, je craindrai de punir un perfide !
De ses vœux triomphants ma mort seroit l’effet !
Oublions l’innocence, & voyons le forfait.
Une indigne pitié me les fait reconnoître ;
C’est mon rang, il est vrai, mais c’est le sang d’un traitre.
Puis-je trop acheter, en les faisant périr,
La douceur de le voir souffrir ?


Scène II

Créüse, Médée, Nérine.

CRÉÜSE.

Si la pitié vous peut trouver sensible,
Voyez une princesse en pleurs,
Qui vient vous demander la fin de ses malheurs :
À votre art rien n’est impossible.