Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/130

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Enfin de ses mépris je devine la cause,
Sans doute elle aime ailleurs.

philipin

Je crois la même chose,
Au discours de tantôt je l'ai trop reconnu ;
Et si le bon vieillard ne fut point survenu, [10]
J'allais savoir, Monsieur, tout au long le mystère,
Être fille suffit pour ne se pouvoir taire,
Puisqu'il n'en fut jamais qui dans l'occasion
Peut garder un secret sans indigestion.

don fernand

Si bien que Beatrix...

philipin

Cessez d'être en cervelle, [15]
J'en saurai tout, vous dis-je, et je vous répons d'elle ;
Car soit pour me trouver l'esprit un peu gaillard,
Soit pour me voir comme elle assez grand babillard,
J'ai le don de lui plaire, et sur tout la méthode
Dont nous traitons l'amour n'est pas fort incommode, [20]
Elle n'engage à rien : Mais, Monsieur, franchement ?
Ne vous lassez-vous point d'aimer si constamment ?
Autrefois en tous lieux vous disiez, Je vous aime,
À peine un demi-jour vous étiez à la même,
Et cependant Lucrece avec tous ses mépris [25]
Vous tient depuis un mois de ses beautés épris !
C'est être bien changé.

don fernand

Philipin, je confesse
Que je romps ma coutume en faveur de Lucrèce:
Mais écoute, c'est trop te laisser alarmé
De ce qu'un même objet soit si long-temps aimé. [30]
Si l'amour m'engagea d'abord à son service,
Aujourd'hui cet amour n'est plus rien qu'un caprice,
Son peu de complaisance à flatter mon espoir
Est l'unique raison qui m'oblige à la voir ;
Non pas que sa personne en effet me soit chère, [35]
Mais parce que je prends plaisir à lui déplaire,