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ACTE V




Scène I


don juan

Enfin ma prison cesse, et par cette retraite
En vain j'ai cru tenir ma passion secrète, [1540]
Ma mauvaise fortune a su la révéler ;
J'ai de quoi toutefois encor m'en consoler,
Sous ce prétexte faux de procès et d'affaire
Mon retour à Madrid passe pour nécessaire,
Et malgré mon rival cette feinte me sert [1545]
À trouver chez Lucrèce un accès plus ouvert.
C'est en vain, Léonor, que ton coeur en murmure,
Je ne suis point ingrat, je ne suis point parjure,
Mes sentiments pour toy sont les mêmes encor,
Léonor à mes yeux est toujours Léonor, [1550]
Cent bienfaits dans ton sort font que je m'intéresse,
Tu les versas sur moi toujours avec largesse,
Mais quoi qu'ils n'aient pas mis mon coeur dans tes liens,
Ils ne sont pas perdus puisque je m'en souviens,
N'exige rien de plus, j'ai pour toi grande estime, [1555]
Mais je ne puis t'aimer sans me noircir d'un crime,

Lucrèce
a sur mon âme un absolu pouvoir,

Mes visites en vain ont flatté ton espoir,
Pouvais-je moins te rendre, et par reconnaissance
Ne te devais-je pas un peu de complaisance ? [1560]
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