Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/207

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Souvenez-vous du moins que vous m'avez aimée.

don juan

Dites mieux, que de moi vous fûtes estimée.
Oui, Madame, si j'ose enfin parler sans fard,
L'amour dans mes devoirs n'eut jamais grande part :
Je vous devais beaucoup, et faisais mon possible [1655]
Pour vous montrer un coeur à vos bienfaits sensible,
Mais il n'est plus saison de vous rien déguiser,
Cessez d'être crédule et de vous abuser,
D'un si charmant objet je reconnais l'empire
Qu'avant que de changer il faudra que j'expire . [1660]

léonor

à Jacinte
Avec combien d'adresse il feint pour m'éprouver !

don juan

Par vos commandements je fus hier vous trouver,
Vous ne voulûtes lors ni me voir, ni m'entendre,
Après ce traitement rien ne vous doit surprendre,
Ne vous étonnez point de ce que je vous fuis, [1665]
C'est votre ordre, Madame, et je vous obéis.


Scène IV


Léonor
,
Jacinte
.
jacinte

Il meurt d'amour pour vous, vous le croyez encore ?

léonor

Lorsqu'il me traite mal c'est alors qu'il m'adore.

jacinte

D'un autre feu lui-même il se confesse épris.

léonor

C'est exprès qu'il affecte un si cruel mépris, [1670]
Il feint, et ne me donne un peu de jalousie
Que pour mieux voir l'amour dont mon âme est saisie.