Mais puisque d'un ami le change illégitime
Me permet aujourd'hui de soupirer sans crime, [1700]
Souffrez que je découvre aux yeux qui m'ont charmé
Le beau feu qu'en mon âme ils avaient allumé,
Et qu'un fâcheux respect me contraignait de taire
Jusqu'à m'être moi-même à moi-même contraire,
Vous parler pour un autre, et faire mon effort [1705]
Pour hâter un Hymen dont j'attendais la mort.
Mais me dites-vous vrai ? Don Juan n'est-il qu'un traître ?
Un violent amour de son coeur est le maître.
Il me quitte ?
Peut-être il vous quitte à regret,
Mais par son propre aveu je trahis son secret. [1710]
Et pour Lucrèce enfin l'ingrat m'est infidèle ?
Encor tout maintenant il vient d'entrer chez elle.
Puis-je m'en assurer ?
Je l'ai vu de mes yeux.
Ô le plus lâche amant qui soit dessous les Cieux !
Ne nous aveuglons plus, punissons son offense, [1715]
Qu'il ne soit plus pour moi qu'un objet de vengeance.
Don Lope, m'aimez-vous ?
Madame !
Suivez-moi.
Mais pour servir ma haine, et venger mon injure,
Je ne vous la promets que devant ce parjure, [1720]