Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/209

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Mais puisque d'un ami le change illégitime
Me permet aujourd'hui de soupirer sans crime, [1700]
Souffrez que je découvre aux yeux qui m'ont charmé
Le beau feu qu'en mon âme ils avaient allumé,
Et qu'un fâcheux respect me contraignait de taire
Jusqu'à m'être moi-même à moi-même contraire,
Vous parler pour un autre, et faire mon effort [1705]
Pour hâter un Hymen dont j'attendais la mort.

léonor

Mais me dites-vous vrai ? Don Juan n'est-il qu'un traître ?

don lope

Un violent amour de son coeur est le maître.

léonor

Il me quitte ?

don lope

Peut-être il vous quitte à regret,
Mais par son propre aveu je trahis son secret. [1710]

léonor

Et pour Lucrèce enfin l'ingrat m'est infidèle ?

don lope

Encor tout maintenant il vient d'entrer chez elle.

léonor

Puis-je m'en assurer ?

don lope

Je l'ai vu de mes yeux.

léonor

Ô le plus lâche amant qui soit dessous les Cieux !
Ne nous aveuglons plus, punissons son offense, [1715]
Qu'il ne soit plus pour moi qu'un objet de vengeance.
Don Lope, m'aimez-vous ?

don lope

Madame !

léonor

Suivez-moi.

Léonor
est à vous, je vous promets ma foi,

Mais pour servir ma haine, et venger mon injure,
Je ne vous la promets que devant ce parjure, [1720]