Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/253

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Qui ne vous aimerait, je le tiendrais pour sot.
Ma foi, remasquez-vous, ou je ne dirai mot,
Visage découvert, je n'en sais par où prendre.

ISABELLE.

Votre entretien est tel que je n'ose y prétendre ; [510]
Cessez de profaner un discours si poli.

DON BERTAN.
à Don Garcie.

Vous l'avez bien instruite, elle a l'esprit joli ;
Son humeur toutefois me semble un peu rêveuse.
Mon Cousin, contez-lui quelque histoire amoureuse,
Mais qui soit intriguée, et pleine d'incidents. [515]
Vous verrez quel esprit s'enferme là-dedans,
J'en saurai dès demain en faire une Comédie,
Que pour gage d'amour déjà je vous dédie.
Vous divertiriez-vous à l'ouïr  ?

ISABELLE.

Je le crois.

DON BERTAN.

Dites donc.

DON ALVAR.
.

Je commence. Amour, seconde-moi. [520]
En un jour de Taureaux, hors Madrid, dans la plaine,
Un Cavalier suivait une route incertaine,
Lorsqu'un digne spectacle ayant frappé ses yeux
Réveilla tout à coup son esprit curieux.
Une Dame, en sa taille à nulle autre seconde, [525]
Semblait pour être seule avoir fui tout le monde,
Et loin des yeux publics venir rêver exprès
Où le courant du Fleuve offre un aimable frais.
Il s'arrête, et de loin surpris il examine
Quel dessein peut avoir cette Beauté divine, [530]
Qu'à son port il croit telle, et digne de l'ardeur
Dont peut un bel objet enflammer un grand coeur.
Mais dans cette surprise il ne demeura guères
Qu'un fier Taureau s'échappe, et force les barrières,