Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/264

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Que demain de nouveau cet odieux époux
M'ôte la liberté d'embrasser ses genoux,
Et de le conjurer, s'il m'a donné la vie,
De ne pas consentir qu'elle me soit ravie  ?

JACINTE.

J'approuve votre avis, et veux ce qui vous plaît ; [755]
Mais nous ne savons point en quelle chambre qu'il est,
Où le chercherons-nous  ?

ISABELLE.

Ô destin trop contraire !
Faut-il qu'un peu de bien aveugle tant un Père,
Qu'il s'en laisse éblouir, et qu'un si vil poison
D'une honteuse atteinte infecte sa raison ! [760]
Mais sans plus balancer, rendons au vrai mérite
Le tribut innocent dont il nous sollicite,
Et s'il faut aujourd'hui se résoudre d'aimer,
Faisons un digne choix qu'on ne puisse blâmer.
Mais que dis-je  ? Il est fait, et ce serait un crime [765]
De payer tant d'amour par une simple estime.
Vivons pour Don Alvar, et jusques au tombeau,
S'il m'aime...

GUZMAN.
à Don Alvar.

Vous avez bonne part au gâteau.

ISABELLE.

Quelqu'un nous écoutait, et j'ai trahi ma flamme.
Ah Ciel !

DON ALVAR.
.

Ne craignez rien, c'est Don Alvar, Madame. [770]

ISABELLE.

Don Alvar !

DON ALVAR.
.

Écoutez un malheureux Amant
Qu'un destin trop cruel poursuit obstinément,
Et qui prêt de vous perdre, en son malheur extrême
Se croira soulagé s'il vous dit qu'il vous aime.
Ce faible allégement dans un tel déplaisir [775]
Ne nous saurait coûter tout au plus qu'un soupir.

ISABELLE.