Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/211

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Je sais bien que la reine a trop de besoin d’eux
Pour négliger leur flamme et rebuter leurs vœux ;
Mais comme choisir l’un seroit irriter l’autre,
Leur bonheur suspendu fera naître le vôtre,
Et chacun d’eux enfin, l’un par l’autre détruit,
De ses prétentions vous laissera le fruit.

NICANDRE.

Mais s’il faut t’expliquer ma crainte toute entière,
Sais-tu que la princesse est orgueilleuse et fière ?

ARCAS.

Quel que soit son orgueil, il manque en vous d’objet :
N’êtes-vous pas né prince ?

NICANDRE.

Oui prince, mais sujet.

ARCAS.

Mais sujet dont les soins toujours infatigables
Aux peuples nos voisins nous rendent redoutables.
Depuis plus de six ans c’est d’eux que cet État
Sous une auguste reine emprunte son éclat,
Et vous avez fait voir par d’assez nobles marques
Ce qu’en vous peut le sang de nos premiers monarques.
Avec ce privilège oserez-vous douter
Que son coeur…

NICANDRE.

Cesse, Arcas, cesse de me flatter.
Mes rivaux ont sur moi du moins cet avantage
Qu’ils eurent en naissant un sceptre pour partage,
Et que sans son hymen dans le trône placés,
Mes vœux auprès des leurs semblent intéressés.
Oui, ce rang inégal où le ciel m’a fait naître,
Sans être ambitieux, me force à le paroître,
Puisqu’enfin mon amour, qu’en vain je veux borner
Demande une couronne, et n’en sauroit donner.

ARCAS.

Vous vous alarmez trop.

NICANDRE.

Pour sortir de ce doute,
Employons auprès d’elle un ami qu’elle écoute.
Cléomène…