Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ce vieux roi de Crète accablé de douleur,
Paisible en ses États déploroit son malheur.
Cependant aujourd’hui par un sort tout contraire
Je vois ce fils crû mort au trône de son père,
Et d’autres sentiments appuyant ses projets,
Je rencontre la guerre où j’ay laissé la paix.

NICANDRE.

Si de ces nouveautés votre esprit est en peine,
Faites réflexion sur cette vieille haine,
Qui cent fois de nos mers a fait rougir les eaux
Par le sang le plus pur et de Crète et d’Argos,
Tant qu’enfin le feu roi combattant Démochare,
Pris par lui prisonnier, périt chez ce barbare.
La reine, hors d’état de venger son époux,
Sur l’offre de la paix déguise son courroux,
Et d’un tel attentat dissimulant l’offense,
Pour mieux l’exécuter, recule sa vengeance.
Elle arme toutefois, mais les messéniens,
Osant renouveler des débats anciens,
Nous font changer bientôt, pour vouloir trop prétendre,
Le dessein d’attaquer au soin de nous défendre.
Je ne parlerai point des différents combats
Qu’enfin après deux ans termina votre bras,
Quand l’issue en étant pour nous trop incertaine,
Le ciel nous envoya l’illustre Cléomène,
Par qui jusqu’en ses ports l’ennemi repoussé
À ses prétentions eut bientôt renoncé.
Ce fut lorsqu’affranchis d’une guerre si rude,
La reine, s’accusant déjà d’ingratitude,
Voulut, pour apaiser les mânes d’un grand roi,
De ses armes en Crète aller porter l’effroi.
Vous sûtes ce dessein ; et quoi que votre absence
D’une prompte victoire affaiblit l’espérance,
Chacun ambitieux du nom de bon sujet
Embrasse avidemment ce glorieux projet.
Démochare, surpris et saisi d’épouvante,
D’un foible et vain effort trouble notre descente ;