Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/228

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C’est un grec inconnu qu’un peu de renommée
A peint illustre et grand à votre âme charmée,
Et qui, n’étant point prince, aspireroit en vain
À mériter l’honneur de vous donner la main.

ERIPHILE.

Hélas ! Quand par l’amour la raison est séduite,
Elle abandonne un cœur à sa propre conduite,
Et libre en ses désirs, on doit peu s’étonner
S’il cherche à ne rien voir qui le puisse gêner.
D’abord que Cléomène eut surpris mon estime,
L’audace de ses feux me parut légitime,
Et, prenant ses respects pour garants de sa foi,
Puisqu’il ose m’aimer, il est digne de moi,
Disais-je, et de ses vœux le téméraire hommage
D’un cœur qui se connoît est un clair témoignage.
C’est ainsi qu’avec lui mon courage abattu
Était d’intelligence à trahir ma vertu.
Ainsi mon lâche cœur s’en déguisant l’injure
Avouoit de mes sens la secrète imposture,
Et lors ma passion pour me séduire mieux,
M’offrant dans Cléomène un héros glorieux
Sans voir ce qu’il étoit, sans le vouloir connoître,
Je voyois seulement ce qu’il méritoit d’être.

CLÉONE.

Madame, si tantôt blâmant votre courroux
J’ai pu dire…

ERIPHILE.

Tais-toi, Nicandre vient à nous.


Scène II


Eriphile, Nicandre, Cléone.

NICANDRE.

Madame, enfin le ciel par une haine ouverte
Semble de Timocrate avoir juré la perte,
Puis qu’après les serments que la reine en a faits
Sa mort seule pour nous est le sceau de la paix.