Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/241

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Et ce fameux héros, tout vaillant qu’il puisse être,
Doit craindre nos guerriers puisqu’il n’ose paroître ;
Chacun d’eux à l’envi le défie au combat.

ERIPHILE.

Il agit plus en chef peut-être qu’en soldat,
Et ne pas s’exposer à ce premier orage,
Sans doute est moins défaut qu’adresse de courage :
Quelque raison l’oblige à réserver son bras.

CLÉONE.

Trasille prisonnier ne l’étonne donc pas ?

ERIPHILE.

Quoi, Trasille, Cléone ? Ô dieux, est-il croyable ?
Ce chef de son parti le plus considérable ?
Mais, Cléone, après tout, ce peut être un faux bruit.

CLÉONE.

Non, non, devant la reine on l’a déjà conduit,
Où pour couvrir la honte où sa prise l’expose,
L’amour de Timocrate en est la seule cause
a-t-il dit, et sans doute on vainc malaisément,
Lorsqu’il se faut soumettre aux ordres d’un amant.
Sans oser attaquer, réduits à nous défendre,
Vous nous offrez du sang que l’on craint de répandre,
Et l’espoir du triomphe est rarement permis
À qui veut épargner ses propres ennemis.

ERIPHILE.

Ainsi quand nous vaincrons, si nous l’en voulons croire,
À l’amour de son roi nous en devrons la gloire,
Il arme contre nous, et nous veut épargner ?

CLÉONE.

Par ce respect peut-être il prétend vous gagner.

ERIPHILE.

Il n’y peut employer qu’un effort inutile.

CLÉONE.

Je le crois, mais, madame, à parler de Trasille,
La curiosité touche peu votre coeur
De ne pas demander quel en est le vainqueur.