Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE V



Scène I


Eriphile, Cléone.

CLÉONE.

Oui, madame, dès hier la nouvelle en est sue,
Mais je la vois partout si lâchement reçue,
Qu’à moins d’y faire naître un obstacle plus fort,
L’alarme qu’elle cause avancera sa mort.

ERIPHILE.

Quoi donc ? Ce peuple ingrat perd déjà la mémoire
Que c’est de ce héros qu’il tient toute sa gloire,
Et que sans son secours peut-être qu’à leur choix
Chez les messéniens nous prendrions des rois ?

CLÉONE.

L’effroi qu’il a conçu des serments de la reine
Ne lui laisse plus voir ce qu’a fait Cléomène,
Et sans doute on le vainc assez malaisément
Quand le respect des dieux en est le fondement.
Pour peu que l’on diffère à leur offrir sa tête,
Il croit voir leur vengeance à tonner toute prête,
Et dans cette frayeur qu’on ne peut modérer,
Les plus zélés pour lui n’osent que soupirer.
Mais ce qu’on vient d’apprendre et qui plus l’épouvante,
L’ennemi cette nuit a fait une descente,
Et l’avis qu’on en a lui faisant présumer
Qu’il nous veut investir et par terre et par mer,
Ce peuple qu’un faux zèle aveuglément anime,
Pour apaiser le ciel demande sa victime.