Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/282

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Accordez-lui pour moi ce prix de ma victoire.

LA REINE.

Prince, c’est à vous seul qu’en appartient la gloire,
De mon trône conquis vous pouvez disposer,
Et qui ne peut plus rien n’a rien à refuser.
NICANDRE, à Timocrate.
Agréerez-vous, seigneur, dans ce haut avantage,
Et mes premiers respects, et mon premier hommage ?
ERIPHILE, à Nicandre.
Dans ce haut avantage il trouve au moins ce bien
Qu’il brave ses malheurs sans qu’il vous doive rien.

TRASILLE.

Faites moins d’injustice à sa vertu parfaite :
Elle seule aujourd’hui vous fait reine de Crète,
Madame, et c’est par lui que le destin trompé,
Voit un roi magnanime à sa rage échappé,
Il m’a tiré des fers et reçu dans la ville.

LA REINE.

Qu’apprends-je ? Quoi, Nicandre a délivré Trasille ?

NICANDRE.

Ce seul moyen, madame, encor que violent
S’offroit pour soutenir un trône chancelant,
Et dans l’inquiétude où j’ai vu votre zèle,
J’ai cru que vous trahir c’étoit être fidèle,
Et que je répondois à ce que je vous dois,
D’oser de vos serments dégager votre foi.

LA REINE.

Mes vœux dont le succès découvre la justice
Vous portoient en secret à ce dernier service.

ERIPHILE.

Si dans un tel dessein j’ose vous accuser,
Pourquoi tantôt vous plaire à me le déguiser ?

NICANDRE.

Pour me venger de vous, qui m’outragiez à croire
Qu’il fallût m’inviter où m’invitoit la gloire,
Et qu’aux beaux sentiments ce cœur de soi porté
Eut besoin pour agir d’être sollicité.