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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/389

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Et je vous avouerai qu’il m’auroit été doux,
Si le Ciel l’eût permis, d’oser vivre pour vous ;
Mais puisque enfin l’espoir n’a plus rien qui vous flatte,
Pourquoi vous obstiner dans une flamme ingrate ?
L’hymen de la Princesse est trop à redouter.
Quand on vous pressera pourrez-vous l’éviter,
Et ne voyez-vous pas…

LAETUS

Dans mon amour extrême
Tout ce que je puis voir, c’est seulement que j’aime,
Et qui sait d’un beau feu goûter le pur appas,
En d’autres objets ne voit rien que de bas.
Pour braver en aimant les plus rudes obstacles,
Il suffit qu’on ait droit d’espérer aux miracles,
Le temps en peut produire, et sans trop s’alarmer,
On vit toujours heureux pourvu qu’on ose aimer.

HELVIE

Et bien, pour soutenir une si belle audace
Ne considérez point quel destin vous menace,
D’un aveugle transport suivez l’injuste loi ;
Mais en m’aimant enfin, qu’espérez-vous de moi ?
Voulez-vous que mon cœur charmé de sa victoire
S’ouvre à des sentiments qui blesseroient ma gloire,
Et que de mon repos le sacrifice offert
Soit l’inutile prix d’un amour qui vous perd ?

LAETUS

Non, Madame, et ce feu dont l’ardeur m’est si chère,
Est trop respectueux pour être téméraire.
Aussi ma passion, bien loin de m’aveugler,
Par votre seul mérite aime à se voir régler,
Et comme je connois bien mieux que vous ne faites,
Et le peu que je suis, et tout ce que vous êtes,
Je ne demande point qu’à mes brûlants désirs
Vous donniez cœur pour cœur, ni soupirs pour soupirs ;
Trop content si mes vœux obtiennent sur les vôtres,
Qu’ayant accepté l’un, vous écoutiez les autres.

HELVIE