Ainsi tu donneras, sans être ingrat ni traître,
Sa vie à ta Maîtresse, et la mienne à ton Maître.
Ainsi vers lui, vers moi, tu seras dégagé
Si m’ayant satisfaite il meurt sur moi vengé.
Tu ne réponds point ; mais ta vue abaissée
Par un secret refus m’explique ta pensée,
Et mes yeux dans les tiens avoient trop vu d’abord
Avec ton cher Tyran ton lâche cœur d’accord.
C’est toi dont les conseils, loin de m’avoir servie,
Et l’offre de son Trône étoit pour donner jour
Au criminel aveu de ton indigne amour.
Comme alors sans espoir je le voyois paroître,
J’admirois ce qu’en vain je croyois bien connoître ;
Mais d’un éclat trompeur cet amour revêtu
Empruntoit les dehors d’une fausse vertu,
Et sûr de tes projets, tu cherchois à me vendre
La lâcheté d’un cœur dont j’osois tout attendre.
Quoi, Madame…
Il suffit, je n’écoute plus rien.
Mon bras pourroit agir où j’employois le tien,
Mais pour te punir mieux, et me punir moi-même
De t’avoir trop tôt avouer que je t’aime,
Il n’est rien que je n’ose afin de regagner
Ce Trône dont par toi je me vois éloigner.
Si trop d’abaissement suit ce que je propose,
Au moins rougiras-tu de t’en savoir la cause,
Et de voir par toi seul le pouvoir absolu
Être le prix d’un cœur que tu n’as pas voulu.
Ah, si jamais l’hymen où l’Empereur s’apprête…
Tu perds temps, il me faut ou son Trône ou sa tête.
Je vais songer à l’un ; si tu veux m’obtenir,
L’autre dépend de toi, tu peux me prévenir.