ACTE V
Scène I
Je ne le cèle point ; l’entreprise est si noire
Qu’à bien l’examiner j’ose à peine la croire,
Et douterois encor d’un si lâche dessein
Si je n’en connoissois l’ordre écrit de sa main.
Le barbare ! À sa haine abandonner ma vie !
Et pour porter sa rage au dernier attentat,
Proscrire en même temps la moitié du Sénat !
Je ne puis sans horreur m’en souffrir la pensée.
Le Ciel soutient toujours l’innocence oppressée,
Et de cet attentat ne s’est montré d’accord,
Que pour nous donner droit de conspirer sa mort.
Mais forçant son humeur, qui l’a rendu capable
De pouvoir déguiser un projet si coupable ?
D’oser jusqu’à la nuit en remettre l’effet ?
La crainte de laisser son ouvrage imparfoit.
Eût-il pu sans surprise attaquer tant de têtes,
Qu’il n’eût contre la sienne ému mille tempêtes ?
Le sang de Pertinax du Peuple est respecté,
Et l’Armée a pour moi peut-être assez d’estime
Pour en craindre un obstacle au courroux qui l’anime.
C’est l’unique raison de ces déguisements.
J’avois conçu de lui de meilleurs sentiments,