Scène VI
Je ne viens point ici par un surcroît d’audace
Conjurer un grand Roi de borner ma disgrâce,
Et de ne pas l’étendre à l’affreuse rigueur
Qui me déchire l’âme, et m’arrache le cœur.
Pour en punir l’excès, je sais qu’à Mégabise
Par un fatal hymen la Princesse est acquise,
C’est à moi de mourir, mais pour mourir content
Il faut que je vous rende un service important.
Du nom de Darius vos troubles semblent naître,
Je viens, Seigneur, je viens vous le faire connoître,
Et le livrant ici…
Va, l’on t’a prévenu,
Et Darius sans toi vient d’être reconnu.
Oui, lâche, on me connoît, et tu n’as point la gloire
De trahir seul un Prince imprudent à te croire.
Parjure, c’est ainsi qu’à ton esprit discret
Je pouvois sans péril confier mon secret ?
Jamais un grand courage en faveur d’un Monarque
N’a donné de son zèle une plus noble marque.
En vain à le noircir tu te crois tout permis,
Traître, la trahison ne laisse point d’Amis,
Et puisqu’en le craignant tu suspendis ta rage,
C’est à lui, si je vis, que j’en dois l’avantage.
Viens, appui de mes jours, viens embrasser un Roi.
Dont l’aveugle soupçon fit outrage à ta foi.