Que dans le plus beau sort souvent la chute est prompte !
J’ai vécu glorieux pour mourir dans la honte,
Et voir le ciel lassé de me servir d’appui,
Confondre ma vertu dans le crime d’autrui.
Va, tu le crains en vain ; mais toi, pour ta défense,
Ingrat, dédaignes-tu de rompre le silence ?
Que vous dirois-je, hélas ! Qui put me secourir ?
Je suis né malheureux, et je cherche à mourir.
Quoi, ton malheur, perfide, est toute ton excuse ?
Un père me condamne, et mon maître m’accuse,
À leurs justes soupçons que pourrois-je opposer ?
Je vois que l’apparence aide à les abuser,
Et que ce cœur surpris d’un crime abominable,
Ne peut être innocent s’ils l’estiment coupable.
Donc ta rage te plaît, et pour mieux en jouir
Par ces déguisements tu me crois éblouir ?
Non, non, contre un soupçon si fort, si légitime,
Ne te défendre point, c’est redoubler ton crime.
Dis qu’en te séduisant, l’amour t’y sut forcer,
Et par ton repentir tâche de l’effacer.
Pour effacer celui dont votre erreur m’accuse,
Il faut du sang, seigneur, et non pas une excuse,
Et tout le mien suffit à peine à l’expier,
Si le destin s’obstine à me calomnier.
Il a juré ma perte, et de sa violence
Je ne puis appeler qu’à ma seule innocence.
Qui fuit plus que la mort de telles trahisons,
Jamais à s’en purger ne trouve de raisons ;
Surpris d’être accusé, dans l’abus qui l’opprime,
Par son silence seul il repousse le crime,