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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/116

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Sinatus me fit Reine, et quoi qu’un coup funeste
Ait réduit mon destin au seul nom qui m’en reste,
Le malheur de sa mort ne peut rien sur ma foi,
S’il ne vit plus pour vous, il vit encore pour moi ;
Je dois à son amour, je dois à sa mémoire
Le refus d’un hymen qui blesseroit ma gloire,
Du trône en vain par là vous voulez me flatter,
Ce seroit en descendre, et non pas y monter.
Usurpez sans remords la grandeur souveraine,
Veuve de Sinatus, je sais que je suis Reine,
Mais si je m’abaissois à vous donner ma foi,
Femme de Synorix, la serois-je d’un Roi ?
Votre hymen de ce rang feroit le sort arbitre,
J’en aurois le pouvoir, mais j’en perdrois le titre,
Et pour des droits honteux quittant un bien constant,
Je pourrois davantage, et ne ferois pas tant.

Sinorix.

Oui, gardez votre rang, vous le perdrez, Madame,
Si d’un usurpateur vous devenez la femme,
Et de Reine aujourd’hui le nom qui vous est dû,
Dans ce titre odieux se verra confondu.
Mais pourquoi, rejetant l’offre d’une couronne,
Nommez-vous attentat le droit qui me la donne,
Et quel crime ai-je fait, quand secondé des Dieux
J’ai rentré par leur ordre au bien de mes aïeux ?

camma.

Pour éblouir mes sens c’est une foible amorce
Qu’un droit qu’expliqua moins la raison que la force,
Le peuple fut timide, et vous voyant armé,
Préféra le tyran qui pouvoit l’opprimer.

Sinorix.

Et bien, je suis tyran, ma seule violence
Fut le droit qui m’acquit la suprême puissance,
Le crime est noir et lâche, il fait horreur à tous,
Mais causé par l’amour est-il crime pour vous ?
Cet amour n’auroit eu qu’une ardeur imparfaite
S’il m’eut souffert l’affront de vous laisser sujette,