Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/133

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Sinorix.

Dans les cruels mépris qui troublent ma constance
Le refus que j’ai fait d’user de violence
Montre assez que l’amour qui règne dans mon sein,
S’il ne gagne le cœur, n’estime point la main ;
Mais ne m’opposez point pour obstacle invincible
Que ce cœur par lui seul peut devenir sensible,
Nos désirs sont sa règle, et contraint d’obéir,
Il prend d’eux le penchant d’aimer ou de haïr.

camma.

Si ce divers penchant est un droit qu’il nous laisse,
Tâche de m’en convaincre en aimant la Princesse,
Et puisque ton amour se soumet à ton choix
Dispose en sa faveur d’un cœur que tu lui dois,

Sinorix.

Me contraindre à l’aimer ! Et votre erreur est telle…

camma.

Quoi ? Puis-je plus pour toi que tu ne peux pour elle,
Et ce pénible effort où ton cœur ne peut rien,
Suis-je plus en pouvoir de l’obtenir du mien ?

Sinorix.

Oui, Madame, et ce cœur ne pourroit se défendre
Des soins qu’à la Princesse il refuse de rendre,
Si d’un premier amour les doux et pressants nœuds
Le laissoient en état de former d’autres vœux ;
Mais ce que vos beautés ont pris sur lui d’empire
Ne peut souffrir le choix qu’on lui vouloit prescrire,
Et je quitte un espoir qui m’a trop su charmer
Si la même raison vous défend de m’aimer.
Déclarez-vous, Madame, et sur cette assurance
Triomphez d’un amour dont l’aveu vous offense,
Mon cœur que la raison oblige de céder,
Si vous aimez ailleurs, n’a rien à demander ;
J’en atteste les Dieux, et je veux que leur haine
M’expose sans relâche à la plus rude peine,
Si quelque heureux rival dont vous payiez la foi,
Je n’immole à ses vœux toute l’amour d’un roi.