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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/164

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Ni montrer à mes sens interdits, égarés,
Toute l’horreur des maux que vous me préparez,
Leur menace déjà rend mon tourment extrême.
Madame, par pitié sauvez-moi de moi-même,
Et ne remettez point à mes vives douleurs
À contraindre ma main de finir mes malheurs.

camma.

Le dessein que je prends t’est un rude supplice,
Je le sais, mais toi-même en loueras la justice,
Puisque par sa rigueur je rends ce que je dois
À ce qu’a fait ton zèle et pour et contre moi.
À m’arrêter le bras et m’immoler ta vie
Tu m’as en même temps offensée et servie,
Et je dois par l’hymen dont tu me vois presser
Te punir tout ensemble et te récompenser.
Devant tout aux motifs de ta noble imposture,
Il m’acquitte vers toi par le jour qu’il t’assure,
Et m’ayant outragée à secourir ton Roi,
Par l’horreur de me perdre il me venge de toi.
Ainsi des deux cotés il fait plus qu’on ne pense,
En payant le service il répare l’offense,
Et de tes jours sauvés te faisant un tourment,
Au prix qui les rachète il joint le châtiment.

Sostrate.

Quelle justice, hélas, votre haine autorise ?
J’ai rompu, je l’avoue, une triste entreprise,
Mais ce crime est-il tel que bien examiné
Il mérite la peine où je suis condamné ?
Faut-il que mon devoir toujours inébranlable
M’attire un châtiment qui n’a point de semblable,
Et pour vous satisfaire en de si rudes coups
La mort que je demande en est-elle un trop doux ?

camma.

Si la sévérité qu’exerce ma vengeance
Paraît à ton amour au dessus de l’offense,
Aussi, quoi que pour moi ton zèle ait entrepris,
Tu vois que le service est au dessous du prix.