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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/367

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ACTE II



Scène première


Philippe, Antigonus.

philippe

Non, non, Antigonus, la grandeur de l’injure
N’étouffe point en moi la voix de la Nature,
Et mon cœur t’expliquant ce qui le fait souffrir,
Cherche à se soulager, et non pas à s’aigrir.
Quoi que dans ses projets Démétrius espère,
Je garde encor pour lui les sentiments de père,
Et toute la fureur de son ambition
N’excite qu’en secret mon indignation.
Je le vois, sur l’appui que le Sénat lui donne,
Contre moi, contre un frère, usurper la Couronne.
Et mes lâches Sujets à l’hommage contraints
Accepter pour leur Roi l’Esclave des Romains.
Dans les emportements qu’il ne peut plus contraindre
Je connois que Persée a raison de se plaindre,
Mais de peur d’un désordre à tous les deux fatal,
Sans prendre aucun parti je veux paroître égal.
Par là j’empêcherai que fort de ma colère
Persée injustement n’ose accuser son frère,
Et ma bonté peut-être aura quelque pouvoir
Pour rendre un fils rebelle aux lois de son devoir.
Quoi qu’assez rarement un ambitieux cède,
Il faut avant la force essayer ce remède,
Et voir si la douceur ne sauroit obtenir
Le remords d’un forfait que je crains de punir.

antigonus

Seigneur, on ne peut trop louer cette prudence
Qui tient entre deux fils la Nature en balance ;