Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/159

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comtesse!

Madame, il est donc vrai ?

La tante

Tu vois qu'il en rougit,

Mon frère en fut épris aussitôt qu'il la vit,

Juge du reste.

Lisette

Oronte est fils de votre frère ?

La tante

A l'air dont il m'avoit écrit pour son affaire

Je pouvois deviner qu'il lui touchoit de prés.

Mais ce qui le fait taire et cause ses regrets

C'est qu'étant mon neveu, quelque amour quif engage,

L'impossibilité se trouve au mariage.

Oronte bas.

Le tour est d'habile homme, il le faut appuyer.

( Haut. )

Puisque vous savez tout, je n'ai rien à nier,

Pour vous cacher mon sort j'avois feint que Léandre..

La tante

Je le sais, mais d'aimer doit-on pas se défendre

Quand on voit que le sang nous en fait une loi ?

Oronte

Hélas ! combien de fois aime-t-on malgré soi ?

Quand je m'en aperçus si vous saviez, madame,

Les efforts que je fis pour éteindre ma flamme;

Mais toujours mon penchant plus fort que ma raison

De mes sens contre moi soutint la trahison.

Jugez de mon malheur par l'expresse défense

De vous oser jamais découvrir ma naissance ;

Mon père par serment en avoit pris ma foi.

La tante

Ce m'est quelque chagrin qu'il se cache de moi ;

Mais, comme jusqu'à vous il ne faut pas qu'il passe,

Devant aimer son fils, venez que je l'embrasse ;

La tendresse du sang eut toujours droit d'agir.
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