Je ne me verrois pas esclave d’une haine
Qui veut que je m’oppose à la fierté Romaine,
Et tout à ma grandeur, sans plus rien épargner,
Aux dépends d’Annibal, j’apprendrois à régner.
Mais pourquoi t’oser croire, ô grandeur importune,
Serviles intérêts d’État et de fortune,
Qui pour me conserver le vain titre de Roi
M’ôtez la liberté de disposer de moi,
Sans vous de l’amour seul j’écouterois la flamme,
Le Trône n’auroit rien qui partageât mon âme,
Au lieu que l’un et l’autre attirant tous mes voeux,
Sans céder à pas un je cède à tous les deux
Ô désirs de grandeur, fiers mouvements de gloire,
Amour, Rome, Annibal, qui de vous dois-je croire ?
Qui de vous dans mon cœur doit enfin l’emporter ?
Sachant ce qui se passe avez-vous à douter ?
Il faut perdre Annibal ; cette seule entreprise
Affermit votre Trône, et vous acquiert Élise,
Par là vous gagnez tout.
Perdre Annibal ! Hélas !
Êtes-vous en état de ne le perdre pas ?
Décidant de ses jours Attale…
Ah le perfide !
Mais le serai-je moins si ma flamme en décide ?
De tels crimes au Sort doivent être imputés.
Il a donné l’arrêt, et vous l’exécutez.
Annibal est trahi ; puisqu’il faut qu’il périsse,
Attirez-vous le fruit de ce grand sacrifice.
Voyez Flaminius, et sans plus différer,
Quoi qu’Attale ait promis, faites-vous préférer.
Mais c’est flatter mon feu d’un espoir inutile,
Si l’on voit que par moi…