Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/387

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Il est doux, il est beau de porter la Couronne,
La refuserez-vous, quand l’Amour vous la donne ?
Vouloir que cet amour s’explique jusqu’au bout,
C’est outrager la Reine à qui vous devez tout.

THÉODAT.

La Reine a des bontés dont je ne suis point digne.
Pour elle quelquefois ma gloire s’en indigne,
Je m’en hais ; mais enfin je pourrai tant sur moi,
Que je mériterai les biens que j’en reçois ;
Un peu d’effort me rend la victoire certaine.

EUTHAR.

C’est à vous d’y penser, vous connoissez la Reine.
Sur le plus foible outrage elle croit que son rang
L’autorise à venger sa gloire par le sang ;
Et lorsque votre espoir sur ses bontés se fonde,
Je craindrais…

THÉODAT.

Honoric voit souvent Ildegonde.
Crois-tu qu’il réussisse, et qu’il en soit aimé ?

EUTHAR.

J’ignore entre eux, Seigneur, quel amour s’est formé ;
Il lui rend quelques soins ; mais quoiqu’il en puisse être,
Si son feu vous déplaît, vous en êtes le maître.
Par l’hymen de la Reine il vous aura pour Roi,
Et la Princesse en vain…

THÉODAT.

Moi ? La contraindre, moi ?
Non, Euthar, elle peut, sans que j’y mette obstacle,
Ordonner de son cœur, le temps fait ce miracle.
Autrefois, je l’avoue, il m’eût été fâcheux
Qu’un rival eut ainsi triomphé de mes feux,
J’aurois péri plutôt que d’en souffrir l’injure ;
Mais enfin aujourd’hui je le vois sans murmure,
Et ce qui de ma foi va devenir le prix,
Me doit trop consoler de ses honteux mépris.
S’il t’en souvient, Euthar, qu’ils ont eu d’injustice !