Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/400

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Aux dépens de mon cœur c’est lui qui me fit croire
Que je me devois toute au souci de la gloire,
Et que de tous les maux qui pouvoient m’alarmer,
Rien n’étoit plus à fuir que la honte d’aimer.
Il me la dépeignoit avec toute l’adresse
Qui peut y faire voir une indigne foiblesse,
Un mol amusement dont les lâches appas
N’étoient flatteurs et doux que pour les Esprits bas ;
Et dans ces mouvements qui possédoient mon âme,
Théodat vint s’offrir, je dédaignai sa flamme.
Non que je visse en lui rien qui pût mériter
L’injurieux dédain qui le fit rejeter ;
Je suivois seulement la fierté naturelle
Qui me montrant la gloire, immoloit tout pour elle ;
Et tout autre venant se livrer à mes fers,
Eut reçu même prix des vœux qu’il m’eut offerts.
Théodat se lassa de cette humeur altière,
Il cessa de me voir, je n’en fus pas moins fière ;
D’aucun chagrin par là n’ayant l’esprit frappé,
Je crûs voir sans regret qu’il m’étoit échappé :
Mais quand je m’aperçus qu’ayant brisé ma chaîne,
Ce Fugitif portoit tous ses vœux à la Reine,
J’eus beau, pour étouffer le dépit que j’en eus,
Consulter cet orgueil qui ne me parloit plus,
Mon cœur ne pût d’abord renoncer au murmure,
C’est là qu’étoit le mal, je sentis la blessure ;
Et soit que d’un amant à me quitter trop prompt
L’inconstance eut pour moi l’image d’un affront,
Soit qu’en mon cœur l’amour n’ayant osé paroître,
Voulût pour se venger agir alors en maître,
Ce cœur, pour Théodat que la Reine m’ôtait,
Devint dès ce moment tout autre qu’il n’étoit ;
Et si pour n’en donner aucune connoissance,
D’un paisible dehors j’affectai l’apparence,
De cent troubles secrets le dedans combattu
Me fit payer bien cher cette fausse vertu.

VALMIRE.

Théodat eut pour vous l’âme d’amour si pleine…