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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/449

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Un des Miens seulement instruit de sa retraite,
Seconde le secours que ma pitié lui prête ;
Mais ce lieu qui devoit faire sa sûreté,
N’a pu le garantir de l’infidélité.
Comme en ce lieu funeste il occupoit ma place,
Je ne sais si par lui le Destin me menace,
Mais enfin (je m’en sens le cœur tout interdit)
Le jour me l’a fait voir poignardé dans mon lit.
C’est là qu’il a péri ; j’avois seul connoissance
De l’asile où ses jours cherchoient leur assurance ;
La vertu par l’amour se peut laisser trahir,
Il étoit mon rival, je le devois haïr ;
Et si vous ne tenez l’apparence croyable,
Le crime est avéré, vous voyez le coupable.
Cependant je me pers à force d’y penser,
Madame ; et quelque sang qu’on ait voulu verser.
J’ignore quelle main offerte à les répandre…

AMALASONTE.

Tu l’ignores ? Hé bien, il te le faut apprendre.
Ces coups qui d’Honoric ont terminé le sort,
Par mes ordres portés, m’assuroient de ta mort.
Ton sang, au lieu du sien qu’a versé l’imprudence,
Était secrètement promis à ma vengeance,
Et devoit réparer l’affront d’avoir en vain
Relâché mon orgueil jusqu’à t’offrir ma main.
Si le honteux ennui de n’être point aimée,
Contre toi jusque-là tint ma haine animée
Que n’oseras-t-il point cet ennui, quand je vois
Que ton amour content me dérobe ta foi ?
Ildegonde a changé, tu l’aimes, elle t’aime,
Je le connois ; crains tout de ma fureur extrême.
Les crimes les plus noirs qui t’auroient diffamé,
Seraient moindres pour toi que celui d’être aimé.
Je pourrois déguiser, afin de te surprendre,
Ce que pour t’en punir je brûle d’entreprendre ;
Mais ma feinte auroit beau te tendre un faux appas,
Après Honoric mort, tu ne l’en croirois pas.