Aller au contenu

Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/462

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Que c’est un endurci dans la fange plongé,
Un chien, un hérétique, un turc, un enragé ;
Qu’il n’a ni foi ni loi ; que tout ce qui le tente…

Gusman

Quoi, le Ciel ni l’Enfer n’ont rien qui l’épouvante ?

Sganarelle

Bon, parlez-lui du Ciel, il répond d’un souris.
Parlez-lui de l’Enfer, il met le Diable au pis ;
Et parce qu’il est jeune, il croit qu’il est en âge,
Où la vertu sied moins que le libertinage.
Remontrance, reproche, autant de temps perdu.
Il cherche avec ardeur ce qu’il voit défendu,
Et ne refusant rien à Madame Nature,
Il est ce qu’on appelle un Pourceau d’Épicure.
Ainsi ne me dis point, sur sa légèreté,
Qu’Elvire par l’hymen se trouve en sûreté,
C’est peu pour bon contrat qu’il en ait fait la femme,
Pour en venir à bout, et contenter sa flamme,
Avec elle au besoin, par ce même contrat,
Il auroit épousé toi, son chien et son chat.
C’est un piège qu’il tend partout à chaque belle ;
Paysanne, bourgeoise, et dame et demoiselle,
Tout le charme, et d’abord pour leur donner leçon,
Un mariage fait lui semble une chanson.
Toujours objets nouveaux, toujours nouvelles flammes ;
Et si je te disois combien il a de femmes,
Tu serois convaincu que ce n’est pas en vain
Qu’on le croit l’épouseur de tout le genre humain.

Gusman

Quel abominable homme !

Sganarelle

Et plus qu’abominable.
Il se moque de tout, ne craint ni Dieu ni Diable ;
Et je ne doute point, comme il est sans retour,
Qu’il ne soit par la foudre écrasé quelque jour.
Il le mérite bien, et s’il te faut tout dire,
Depuis qu’en le servant je souffre le martyre,