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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/465

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Mais si, comme on n’est pas bon juge dans sa cause,
Vous ne le vouliez pas, ce seroit autre chose.

Dom Juan

Et bien, je te permets de parler librement.

Sganarelle

En ce cas je vous dis très sérieusement,
Qu’on trouve fort vilain qu’allant de belle en belle,
Vous fassiez vanité partout d’être Infidèle.

Dom Juan

Quoi, si d’un bel Objet je suis d’abord touché,
Tu veux que pour toujours j’y demeure attaché,
Qu’un éternel amour de ma foi lui réponde,
Et me laisse sans yeux pour le reste du monde ?
Le rare et doux plaisir qui se trouve en aimant,
S’il faut s’ensevelir dans un attachement,
Renoncer pour lui seul à toute autre tendresse,
Et vouloir sottement mourir dès sa jeunesse !
Va crois-moi, la constance étoit bonne jadis,
Où les leçons d’aimer venoient des Amadis ;
Mais à présent, on suit des lois plus naturelles.
On aime sans façon tout ce qu’on voit de belles,
Et l’amour qu’en nos cœurs la première a produit,
N’ôte rien aux appas de celle qui la suit.
Pour moi, qui ne saurois faire l’inexorable,
Je me donne partout où je trouve l’aimable,
Et tout ce qu’une belle a sur moi de pouvoir,
Ne me rend point ailleurs incapable de voir.
Sans me vouloir piquer du nom d’amant fidèle,
J’ai des yeux pour une autre aussi bien que pour elle.
Et dès qu’un beau visage a demandé mon cœur,
Je ne puis me résoudre à l’armer de rigueur.
Ravi de voir qu’il cède à la douce contrainte,
Qui d’abord laisse en lui toute autre flamme éteinte,
Je l’abandonne aux traits dont il aime les coups,
Et si j’en avois cent, je les donnerois tous.

Sganarelle

Vous êtes libéral.