Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/591

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Et quand elle sauroit que par mes foibles charmes,
Pour lui percer le cœur j’aurois prêté des armes,
Je pourrois à ses yeux lâchement exposer
Les criminels appas qui la font mépriser ?
Je pourrois soutenir le sensible reproche
Qu’un trop juste courroux…

PIRITHOÜS.

Voyez qu’elle s’approche.
Parlons, son intérêt nous oblige à bannir
Tout l’espoir que son feu tâche d’entretenir.


Scène II

.
Ariane, Pirithoüs, Phèdre, Nérine

ARIANE.

Et bien, ma Soeur ? Thésée est-il inexorable ?
N’avez-vous pu surprendre un soupir favorable,
Et quand au repentir on le porte à céder,
Croit-il que mon amour ose trop demander ?

PHÈDRE.

Madame, j’ai tout fait pour ébranler son âme.
J’ai peint son changement lâche, odieux, infâme.
Pirithoüs lui-même est témoin des efforts
Par où j’ai cru pouvoir le contraindre au remords.
Il connoît et son crime et son ingratitude,
Il s’en hait, il en sent la peine la plus rude,
Ses ennuis de vos maux égalent la rigueur ;
Mais l’Amour en Tyran dispose de son cœur,
Et le Destin plus fort que sa reconnoissance,
Malgré ce qu’il vous doit, l’entraîne à l’inconstance.

ARIANE.

Quelle excuse ! Et pour moi qu’il rend peu de combat !
Il hait l’ingratitude, et se plaît d’être ingrat.