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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/593

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Scène III

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Ariane, Pirithoüs, Nérine

PIRITHOÜS.

Par ce que je vous dis, ne croyez pas, Madame,
Que je veuille applaudir à sa nouvelle flamme.
Sachant ce qu’il devoit au généreux amour
Qui vous fit tout oser pour lui sauver le jour,
Je partageai dès lors l’heureuse destinée
Qu’à ses vœux les plus doux offroit votre hyménée,
Et je venois ici, plein de ressentiment,
Rendre grâce à l’Amante, en embrassant l’Amant.
Jugez de ma surprise à le voir infidèle,
À voir que vers une autre une autre ardeur l’appelle,
Et qu’il ne m’attendoit que pour vous annoncer
L’injustice où l’Amour se plaît à le forcer.

ARIANE.

Et ne devois-je pas, quoi qu’il me fît entendre,
Pénétrer les raisons qui vous faisoient attendre,
Et juger qu’en un cœur épris d’un feu constant,
L’Amour à l’Amitié ne déferre pas tant ?
Ah, quand il est ardent, qu’aisément il s’abuse !
Il croit ce qu’il souhaite, et prend tout pour excuse.
Si Thésée avoit peu de ces empressements
Qu’une sensible ardeur inspire aux vrais Amants,
Je croyois que son âme au-dessus du vulgaire
Dédaignoit de l’Amour la conduite ordinaire,
Et qu’en sa passion garder tant de repos,
C’étoit suivre en aimant la route des Héros.
Je faisois plus ; j’allois jusqu’à voir sans alarmes,
Que des beautés de Naxe il estimât les charmes,
Et ne pouvois penser qu’ayant reçu sa foi,
Quelques vœux égarés pussent rien contre moi.