Léandre est ami de ton maître,
On l'aime ici déjà plus qu'on ne fait paroilre ;
Qu'il amuse la tante et l'endorme si bien
Qu'Oronte avec la nièce ait un libre entretien.
Oui, mais tune dis pas que ce Léandre enrage
D'avoir déjà dix fois joué ce personnage ;
Il est soûl de la tante, et n'en veut plus tâter.
Voyez que c'est bien là de quoi se rebuter.
La pauvre nièce et moi nous en souffrons bien d'autres,
Et peut-être il n'est point d'ennuis pareils aux nôtres;
Ma foi, c'est charité que de nous secourir.
Mais avant qu'attraper il faut long-temps courir,
Et de l'air dont elle est par la tante gardée.
Le désir d'un mari l'a si fort possédée
Que, comme elle en veut un quoi qu'il puisse coûter,
La nièce n'est jamais en pouvoir d'écouter.
Depuis neuf à dix mois que dure le veuvage
La vieille requinquée a l'amoureuse rage,
Dans le premier venu croit voir un protestant,
S'en fait conter par force, et s'offre au même instant.
Ainsi point de quartier tant qu'elle ait eu son compte.
Mais, dis-moi, cet époux que promettait Oronte,
Ce baron d'Albikrac est long-temps à venir?
Quelque obstacle maudit l'aura pu retenir :
Nous le saurons bientôt ; un certain La Montagne
Chez nous, quand j'en sortois, arrivoit de Bretagne;
Il en rapportera ce que tu veux savoir.
A vanter ce baron j'ai bien fait mon devoir.
Sur ce que j'en ai dit notre tante charmée Par lettres aussitôt de lui s'est informée.