Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/16

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En vain ce triste roi, pour le corps de son fils,
A joint les pleurs d’Hécube à des présents exquis.
Insensible à ces pleurs, trois fois d’une âme fière
Il a de tous les deux rejeté la prière,
Et par tout ce que peut la plus vive douleur,
Hécube ni Priam n’ont pu toucher son cœur.
Sitôt qu’à ses genoux j’ai fait voir Polixène,
Que j’ai parlé pour elle, il a cédé sans peine,
Et deux mots de ma bouche ont fait en un moment
Ce que la terre entière eut tenté vainement.
J’ai proposé la trêve, et soudain avec joie
Il a pour quelques jours laissé respirer Troie,
Rendu le corps d’Hector, et lui-même honoré
Les cendres d’un héros si justement pleuré.

PYRRHUS

Après avoir forcé sa colère à se rendre,
L’illustre Briseis a droit de tout prétendre.
Par cette majesté dont brillent ses appas
Quels obstinés refus ne vaincroit-elle pas,
Elle qui triomphant du destin qui la brave
A fait de son vainqueur un glorieux esclave,
Soumis le fier Achille, et par un doux revers,
Trouvé l’art de régner au milieu de ses fers ?
C’est en ce grand pouvoir, Madame, que j’espère.
Que n’obtiendra-t-il point d’un amant et d’un père ?
Un mot en ma faveur couronne mon amour,
Achille vous adore, il m’a donné le jour,
Et sait trop ce que peut un beau feu sur une âme
Pour vouloir mettre obstacle au succès de ma flamme.
La guerre n’a produit que trop d’affreux effets,
Nous vous devons la trêve, accordez-nous la paix,
Et pour faire cesser tous les sujets de haine,
Obtenez que l’hymen m’unisse à Polixène.
Priam qui pleure un fils à ses larmes rendu,
Le recouvrant en moi, n’aura plus rien perdu.

BRISEIS

Malgré le sang d’Hector qu’Achille a dû répandre,
Il se peut que Priam aime Pyrrhus pour gendre,