Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/345

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Si sur nous quelquefois le murmure s’étend,
C’est pour ce que l’on fait, non pour ce qu’on entend ;
Et ces miroirs d’honneur, ces prudes consommées,
Qui du seul nom d’amour se trouvent alarmées,
Succomberoient bien-tôt à la tentation,
Puisqu’un mot sur leurs cœurs fait tant d’impression.
Jamais à prendre feu je n’ai l’ame si prompte,
Les déclarations ne sont pour moi qu’un conte ;
Et quoi que mes amans par-là se soient promis,
Je ne voi, ne regarde en eux que mes amis ;
Je prends sur leur esprit un empire commode ;
Et, s’ils m’aiment, il faut qu’ils vivent à ma mode.
L’un veille à mes procès, l’autre à mes bâtimens.

Olympe.

Et comment accorder ce grand nombre d’amans ?

La Comtesse.

Si c’est être coquette, au moins quoi qu’on en croie,
C’est l’être de bon sens, & vivre pour la joie.
Chacun cherche à me plaire, &, ne promettant rien,
Je fais amas de cœurs sans engager le mien.
Comme à fuir le chagrin tous mes soins aboutissent,
Il n’est pas jusqu’aux sots qui ne me divertissent,
Et dont le ridicule à pousser des soupirs,
Ne me soit quelquefois un sujet de plaisirs.
Quoique veuve, je suis peut-être encor d’un âge
À suivre l’humeur gaie où mon panchant m’engage ;
J’en veux jouïr. Jamais je n’aurai meilleur temps ;
J’ai du bien, des maisons à Paris comme aux champs,
Ma personne a de quoi ne pas déplaire, on m’aime ;
Et, tant que je voudrai me garder à moi-même,
Ne point prendre de maître en prenant un époux,
Mon sort égalera le destin le plus doux.