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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/363

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Malgré ce que le temps m’a dû prêter d’appui,
C’est l’inconnu qu’on aime, & vous pensez à lui.

La Comtesse.

Vous l’avez deviné. Ses galantes manieres,
Si propres à gagner les ames les plus fieres,
M’obligent tellement qu’à ce qu’il fait pour moi
Un peu de rêverie est le moins que je doi ;
Je puis me la souffrir sur tout ce qui se passe.

Le Marquis.

Quoi, Madame, un rival…

La Comtesse.

Quoi, Madame, un rival…D’un ton plus bas, de grace.
S’il m’occupe l’esprit, vous devez présumer
Que c’est pour le connoître, & non pas pour l’aimer.
Après ce que pour moi ses soins marquent de zéle,
La curiosité n’est pas fort criminelle ;
Et vous-même déjà vous auriez dû tâcher
D’éclaircir le secret qu’il aime à nous cacher.

Le Marquis.

Je vous l’éclairciriis ! Promettez-moi, Madame,
Que votre main sera l’heureux prix de ma flamme ;
Et pour le découvrir, je fais ce que je puis.

La Comtesse.

Cherchez à me tirer de la peine où je suis,
Vous me ferez plaisir, & je vous le conseille.

Le Marquis.

Est-il contre un amant injustice pareille ?
Si l’inconnu par moi se découvre aujourd’hui,
Voudrez-vous point encor que je parle pour lui ?
Qu’en faveur de son feu le mien vous sollicite ?
Il peut, je le confesse, avoir plus de mérite,
À l’ardeur de ses soins donner un plus grand jour ;
Mais jamais, quoi qu’il fasse, il n’aura plus d’amour.

La Comtesse.

Je le veux croire ainsi ; mais puis-je avec justice
De son attachement vous faire un sacrifice,