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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/38

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Je voulois ignorer que Polixène aimée
Fut de la même ardeur pour Pyrrhus enflammée,
Et demander sa main avant qu’on m’eut appris
Que l’amour l’eut déjà destinée à mon Fils.
Étouffe, étouffe, Achille, une ardeur si funeste,
De ta raison séduite entends ce qui te reste.
Le cœur de Polixène où tu veux aspirer,
Est un bien que l’amour te défend d’espérer.
N’en sois point le Tyran, ta gloire t’en convie,
Pyrrhus te le demande, il y va de sa vie,
Et Briseis en pleurs qui te garde sa foi,
Attend pour les sécher ce triomphe de toi.
Songe à ces tendres feux qui te parlent pour elle,
Ils ont trop mérité que tu lui sois fidèle.
Veux-tu, sans aucun fruit pour ton cœur amoureux,
Par un lâche intérêt faire trois malheureux ?
Encor si Polixène, à nul autre sensible,
Te laissoit quelque espoir de la trouver flexible,
Mais elle aime, et l’amour dont tu crois trop l’appas
En déchirant son cœur ne le gagnera pas.
Aide-moi, cher Alcime, à vaincre ma foiblesse,
J’ai peine à bien vouloir ce que ma gloire presse,
Et contre un ennemi qui me charme toujours,
Ma vertu chancelante a besoin de secours.

ALCIME

Ce vous seroit sans doute une illustre victoire
D’étouffer un amour que combat votre gloire,
Mais quoique ce triomphe excite vos souhaits,
Vous voudrez faiblement, et ne vaincrez jamais.

ACHILLE

Ô d’un Astre fatal trop cruelle influence !
Alcime, tout mon sort est plein de violence.
Lorsque de nos combats me disputant le prix,
L’injuste Agamemnon m’enleva Briseis,
Dans ma tente enfermé tout brûlant de colère,
J’eus beau voir la fortune aux Grecs partout contraire,
Pour eux aucun secours ne me sembla permis,
Et par cette retraite utile aux ennemis,