Aller au contenu

Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un homme tel que moi, sur l’appui de son nom,
Devroit comme du crime être exempt du soupçon ;
Mais enfin cent exploits & sur mer & sur terre,
M’ont fait connoître assez à toute l’Angleterre ;
Et j’ai trop bien servi, pour pouvoir redouter
Ce que mes ennemis ont osé m’imputer.
Ainsi, quand l’imposture auroit surpris la reine,
L’intérêt de l’état rend ma grace certaine ;
Et l’on ne sait que trop par ce qu’a fait mon bras,
Que qui perd mes pareils, ne les recouvre pas.

Salsbury.

Je sai ce que de vous par plus d’une victoire,
L’Angleterre a reçû de surcroît à sa gloire ;
Vos services sont grands, & jamais potentat
N’a sur un bras plus ferme appuyé son état.
Mais malgré vos exploits, malgré votre vaillance,
Ne vous aveuglez point sur trop de confiance.
Plus la reine au mérite égalant ses bienfaits,
Vous a mis en état de ne tomber jamais,
Plus vous devez trembler que trop d’orgueil n’éteigne
Un amour qu’avec honte elle voit qu’on dédaigne.
Pour voir votre faveur tout-à-coup expirer,
La main qui vous soutient n’a qu’à se retirer ;
Et quelle sûreté le plus rare service
Donne-t-il à qui marche au bord du précipice ?
Un faux pas y fait choir ; mille fameux revers
D’exemples étonnans ont rempli l’univers.
Souffrez à l’amitié qui nous unit ensemble…

Le Comte.

Tout a tremblé sous moi, vous voulez que je tremble.
L’imposture m’attaque, il est vrai, mais ce bras
Rend l’Angleterre à craindre aux plus puissans états.
Il a tout fait pour elle, & j’ai sujet de croire
Que la longue faveur où m’a mis tant de gloire,
De mes vils ennemis viendra sans peine à bout.
Elle me coûte assez pour en attendre tout.